Douleurs chroniques et observance des traitements antalgiques
31,7% des français rapportent avoir ressenti une douleur quotidienne d’une durée supérieure à 3 mois (au cours des mois précédents), principalement d’intensité modérée à sévère(1,2). La prévalence est significativement plus élevée chez les femmes et augmente avec l’âge, surtout au-delà de 65 ans. Par ailleurs, près d’un patient sur deux ne suit pas sa prescription antalgique(11).
Intensité des douleurs chroniques (%)(1)
Intensité moyenne des douleurs chroniques : 4,5/10 sur l’échelle numérique de la douleur notée de 0 à 10.
La douleur chronique
Parmi les douleurs chroniques, il y a celle de l’arthrose. Or, la douleur de l’arthrose est quasi permanente et elle représente 85% des motifs de consultation en rhumatologie(11).
Quels sont les facteurs prédictifs d’apparition d’une douleur diffuse chez les personnes de plus de 50 ans(3) ? On peut citer :
- L’âge
- Le statut douloureux initial
- L’anxiété
- La qualité de vie liée à la santé physique
- Les complaintes cognitives
- Le sommeil non réparateur
Les pathologies musculo-squelettiques et articulaires, principales cause de douleurs chroniques
Arthrose :
- 10 millions de français concernés(5)
- 20 à 30 % des personnes de 60 à 70 ans concernées par la gonarthrose(5)
- 1 personne sur 20 concernée par la coxarthrose après 55 ans(6)
- La douleur, le motif le plus fréquent de consultation du patient atteint de coxarthrose(6)
- Prévalence de la douleur supérieure à 50% en cas d’arthrose chez la personne âgée(4)
Lombalgie :
- Épisode de lombalgie chez 70% des personnes en âge de travailler(7)
- 1er symptôme de la lombalgie aiguë : douleur vive et brutale des lombaires(8)
- Prévalence de la douleur comprise entre 5,9% et 11,1% en cas de lombalgie chronique(4)
Des douleurs qui, selon les patients, restent trop souvent mal soulagées
- 1/3 des patients douloureux chroniques ne reçoivent aucune prise en charge antalgique(9)
- Seulement 43% des personnes prises en charge sont « extrêmement » ou « très satisfaits » par les traitements prescrits(10)
Un retentissement important sur la vie quotidienne
- Lombalgie : 1ère cause d’invalidité au travail chez les moins de 45 ans(7)
- Gonarthrose : 1ère cause d’incapacité fonctionnelle chronique dans les pays développés(5)
Usages et mésusages des antalgiques
L’inquiétude des patients vis-à-vis des antalgiques
Les patients sont inquiets des possibles effets indésirables et de la dépendance au traitement(9)
Attitudes et croyances des patients au sujet des traitements antalgiques prescrits(9)
Le risque addictif
La croyance en un risque addictif peut freiner la prescription des médecins généralistes et retarder la prise en charge(12). En effet :
- 30% des médecins généralistes considèrent le risque de survenue d’une dépendance comme un frein à la prescription en cas de douleurs chroniques non cancéreuses vs 2% en cas de douleurs cancéreuses(12)
- Ce risque est le 1er frein à la prescription
- Peut-être à cause de ce frein, 41% des médecins généralistes concèdent chez la plupart des patients, un retard de prise en charge de la douleur(12)
L’Observance
L’observance consiste à prendre correctement un traitement en respectant rigoureusement les doses prescrites par le médecin, les horaires conseillés et la régularité des prises. Près d’un patient sur deux ne suit pas sa prescription antalgique(13). La première cause de l’inobservance pour le patient est la sensation de « mieux-être » qui vient avant l’oubli(10).
Selon une étude européenne, plus d’1/3 des patients pratiquent l’auto-prescription (notamment des AINS (55 %) et du paracématol (43 %), mais seulement 32% des patients sont soulagés(9). Dans l’arthrose, près d’1/3 des patients sont inobservants pour la prise d’antalgiques de palier 1(14). A noter aussi que, dans l’arthrose, la prescription systématique est mieux suivie que les prescriptions à la demande.
Conséquences de l’inobservance(14) :
- Réduction de l’efficacité des traitements
- Surdosage possible
- Possibilité d’interactions iatrogènes par mélange des prescriptions et auto-médication
- Coût économique
Outil d’évaluation de l’observance proposé sur le site ameli.fr
Coordination des soins et relation soignant-soigné
La coordination des soins est primordiale pour optimiser la relation soignant-soigné et ainsi prévenir des mésusages et l’inobservance des antalgique(15). L’équipe pluridisciplinaire se doit d’établir un climat de confiance et faire s’exprimer le patient sur ses attentes en matière de soins(16). La place d’une éducation à la santé devrait permettre au patient d’améliorer de façon significative son confort de vie(16).
Pour optimiser la prise en charge de la douleur chronique, le rôle du médecin et du pharmacien est primordial :
- Ré-expliquer la pathologie et les médicaments prescrits(16) à savoir une éducation thérapeutique personnalisée : quel est ce médicament ? Pourquoi et comment le prendre ? Quels sont les effets secondaires ? Comment les prévenir ? Quelles sont les interactions médicamenteuses ?
- Rappeler les règles de « bons sens »(16) : conseiller au patient comment intégrer la prise des médicaments selon ses activités (travail, activité physique prévisible, avant séance de kinésithérapie…), et de rappeler que la décision d’arrêter un traitement doit être prise avec son médecin.
- Simplifier la prescription(17) : Quand cela est possible, la prise d’un comprimé par exemple au lieu de deux, permet de diminuer l’anxiété et augmenter l’adhérence de la plupart des patients.
- Insister sur le bénéfice des prescriptions non médicamenteuses en termes de qualité de vie(16) : Implication des kinésithérapeutes, infirmières, psychologues, sociologues dans la prise en charge du patient, initiation aux techniques de relaxation… (cf. ouvrage : Thérapie à médiation corporelle et douleur)
Conseils pratiques pour les patients(17)
- Utiliser un calendrier pour aider à organiser ses traitements et noter chacune des prises
- Associer la prise du traitement à une action habituelle de la journée comme se brosser les dents, déjeuner, regarder le journal télévisé…
- Programmer une alarme sur un réveil, un minuteur ou un téléphone portable
- En cas de voyages ou déplacements, planifier avec son médecin et son pharmacien le renouvellement de son ordonnance de façon à avoir une quantité suffisante de son traitement
En conclusion
Pour de nombreux patients, la douleur chronique est mal soulagée. Cependant, on note que l’observance au traitement n’est pas totale. De ce fait, la coordination des soins et la relation soignant-soigné sont essentielles pour optimiser la prise en charge de la douleur chronique.
Pour plus d’informations
- Téléchargez notre brochure sur l’observance, ici
- Consultez nos articles sur la douleur chronique, ici et là
- Consultez notre rubrique « douleur et arthrose », ici
(1) Bouhassira D, et al. Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population. Pain 2008;136:380-7.
(2) HAS. Douleur chronique : les apsects organisationnels. Le point de vue des structures spécialisées. Argumentaire. Avril 2009.
(3) McBeth J, et al. Predictors of new-onset widespread pain in older adults. Arthritis & rheumatology 2014;66(3):757-67.
(4) Eschalier A, et al. Prévalence et caractéristiques de la douleur et des patients douloureux en France : résultats de l’étude épidémiologique National Health and Wellness Survey réalisée auprès de 15 000 personnes adultes. Douleurs Évaluation – Diagnostic – Traitement 2013;14:4-15.
(5) Baron D. Arthrose de la clinique au traitement. Édition Med’com, 2011.
(6) COFER (Collège Français des Enseignants en Rhumathologie). Collection Abrégés, Elsevier Masson, 4ème édition. 2011.
(7) INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents et maladies professionnelles). Les lombalgies. Dossier INRS – extrait du site www.inrs.fr (mise à jour : 16/08/2010).
(8) Binoche T. et Martineau C. Guide pratique du traitement des douleurs. Masson, 2ème édition. 2005.
(9) Breivik H, et al. Survey of chronic pain in Europe: Prevalance, impact on daily life, and treatment. European Journal of Pain 2006;10:287-333.
(10) Perrot S, et al. Description des prescriptions de traitements pharmacologiques à visée antalgique et de leur observance en France : résultats de l’étude épidémiologique National Health and Wellness Survey réalisée auprès de 15 000 personnes adultes. Douleurs Évaluation – Diagnostic – Traitement 2013;14:119-30.
(11) Douleurs Evaluation – Diagnostic – Traitement (2014) 15, 160-167
(12) Serra E, et al. Point de vue des médecins généralistes sur les risques de survenue d’une dépendance lors de la prescription d’opioïdes forts. Annales Médico-Psychologiques 2014;172:323-9.
(13) Ardid D. Usage et mésusage des antalgiques. Revue du rhumatisme 2009;76:573-9
(14) Dreiser R-L, et al. L’observance en rhumatologie. L’actualité rhumatologique. Paris: Expansion Scientifique Française; 2006:445–67
(15) Michot P. Coopération entre médecins généralistes et pharmaciens : une revue systématique de la littérature. Santé Publique 2013;25:331-41.
(16) Marchand F, et al. Les difficultés d’observance dans la prise en charge des douleurs chroniques non cancéreuses. Douleurs 2006;7:17-21.
(17) Roberts ME, et al. Medication adherence part three: Strategies for improving adherence. J Am Assoc Nurse Pract. 2014 10 Mar, DOI: 10.1002/2327-6924.